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Tantale : un métal précieux dans nos portables

Illustration de Joseph Hadacek sur le tantale, les métaux rares présents dans les smartphones et le prix lourd de leur extraction

Par Joseph Hadacek (artiste) et Jules Metge (rédacteur)

Dans nos portables se cachent une soixantaine de métaux rares et précieux. L’extraction de ces métaux a un coût écologique et humain, souvent concentré dans les pays du Sud. Surtout, l’épuisement des réserves oblige les industriels à penser le recyclage de ces métaux. Une approche de ces grands enjeux, avec l’exemple emblématique du tantale.

Prenez votre portable, une bonne pioche, et brisez-le. Entre le plastique, le verre et la résine, se cache une mine : de l’or, de l’étain, du cobalt, du lithium, du zinc, de l’argent, du gallium, de l’indium… et du tantale. Ce dernier, bien que présent en infime quantité, est révélateur des enjeux liés aux métaux dits « stratégiques », métaux dont la sécurité d’approvisionnement est problématique. Malgré leurs coûts écologiques et humains, les métaux comme le tantale restent aujourd’hui indispensables.

 

Un métal précieux pour l’industrie

 

La superconductivité du tantale, sa résistance aux températures les plus extrêmes et à la corrosion des acides en font un élément précieux pour l’industrie de l’armement, l’aéronautique ou la technologie médicale. En électronique, le tantale permet la fabrication de condensateurs, pièce vitale pour nos smartphones, ordinateurs portables et tablettes.

Gris-bleu, dur et sombre. Découvert en 1802, le nouveau métal était alors si difficile à mettre en solution, si résistant aux acides, que l’étudier était pour les scientifiques un véritable supplice… D’où son nom, Tantale, hommage au roi légendaire, condamné par les dieux qu’il avait offensés à ne jamais trouver le repos. Parce qu’il leur avait volé le nectar et l’ambroisie, le damné fut placé aux Enfers sous un rocher qui pourrait à tout moment l’écraser.

Illustration de Joseph Hadacek sur le tantale, les métaux rares présents dans les smartphones et le prix lourd de leur extraction
Illustration de Joseph Hadacek

Extraction et pollution

   

En parlant de rocher… Pour trouver du tantale vous avez le choix entre plusieurs minerais. Microlite, tantalite ou le fameux coltan, minerai rouge-brun. Une poignée de pays se partagent les réserves mondiales connues : l’Australie, le Brésil, la République Démocratique du Congo, le Canada, l’Éthiopie et la Chine.

Les principales réserves brésiliennes se concentrent à Pitinga, gigantesque mine d’étain à ciel ouvert, située en plein de coeur de l’Amazonie, où des gisements de tantale ont aussi été décelés. Au coeur de ce territoire, vivent les Waimiri-Atroari. Leurs rivières et ruisseaux sont constamment pollués par le rejet des sédiments liés à l’extraction (voir par ailleurs notre papier sur l’extraction illégal de l’or en Amérique du sud).

Récemment, le gouvernement de Michel Temer a décidé d’abolir la protection d’un pan d’Amazonie. Par un décret signé en août 2017, le président a ouvert quatre millions d’hectares – rassemblés et protégés jusque-là dans la Réserve Nationale de Cuivre et Associés (Renca) créée en 1984 – à l’exploration et l’exploitation des ressources minières par des entreprises privées. Cette réserve, située entre les États d’Amapa et de Para, regorgerait de cuivre, d’or et de tantale. Sous la pression de la justice et des associations de défense de l’environnement, le gouvernement brésilien a finalement annulé l’autorisation d’exploitation de la réserve de Renca.

Illustration de Joseph Hadacek sur le tantale, les métaux rares présents dans les smartphones et le prix lourd de leur extraction

Un minerai de sang

 

L’extraction est aussi une activité très lucrative. Dans certaines régions du globe, le tantale, avec l’or, le tungstène et l’étain, est une ressource pour les groupes armés qui en contrôlent les gisements.

L’Afrique centrale est devenue l’un des producteurs les plus importants de coltan, minerai dont est tiré le tantale, et le niobium, autre métal stratégique. L’extraction du coltan alimente depuis deux décennies l’instabilité et les conflits en République démocratique du Congo (RDC). La région de Kivu, à l’est du pays, est le théâtre d’affrontements entre groupes armés rebelles et forces congolaises pour le contrôle des puits miniers. Des puits où les mineurs qui y travaillent sont souvent des enfants.

La situation est aujourd’hui bien connue, suffisamment médiatisée pour que l’on puisse évaluer le prix du tantale : dévastation écologique, financement de groupes armés et travail des enfants. Les consommateurs et les États demandent maintenant aux industriels un tantale « propre », lavé de ses larmes de sang.

 

Législation : des avancées timides et menacées

 

En mai 2017, l’Union européenne a ainsi adopté une nouvelle réglementation pour encadrer le commerce de quatre minerais : l’or, le tungstène, l’étain et le tantale. Les entreprises importatrices doivent maintenant tracer l’origine de ces minerais. Cette législation ne s’appliquera cependant qu’en 2021 – afin de laisser aux entreprises le temps de s’adapter – et ne concernera que celles dont les importations de minerais dépassent un tonnage minimum. Surtout, elle laisse un grand flou pour déterminer quelles mines relèvent d’une zone de conflits ou d’une zone neutre.

Cette nouvelle législation européenne s’inspire de la réglementation américaine, plus précisément de la loi Dodd-Franck. Adoptée en 2010, cette loi destinée à réguler le marché financier après la crise des subprimes comprend une disposition sur l’importation des quatre minerais par les entreprises enregistrées à la bourse américaine. Ces dernières sont obligées de divulguer la provenance de leurs minerais, mais gardent le droit de s’approvisionner en zones de conflits : aucun embargo ni aucune sanction ne pénalisent les entreprises.

La seule obligation de divulgation imposée aux grands fabricants risque aujourd’hui de disparaître, depuis que la loi Dodd-Franck est remise en cause par l’administration Trump. « Ses conséquences ont été mauvaises pour les entrepreneurs », déclarait le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, le 7 juin 2017.

Illustration de Joseph Hadacek sur le tantale, les métaux rares présents dans les smartphones et le prix lourd de leur extraction

Dans cette course à l’éthique déjà ralentie, le Rwanda s’est fait remarquer en 2017 par la construction d’une usine dédiée à la transformation du tantale. Le pays cherche à devenir un acteur majeur de l’exportation de tantale déjà raffiné, en pariant sur sa stabilité politique. Cet engagement ravive les tensions avec le Congo voisin, qui accuse les entreprises rwandaises de s’enrichir avec du minerai de contrebande, extrait des puits congolais.  

 

Le recyclage du tantale comme solution ?

 

Retournons sur nos pas. De la mine à la main qui tient notre portable. Ou plutôt jusqu’aux tiroirs de nos bureaux et placards, là où gisent nos téléphones abandonnés. On dit que c’est une nouvelle mine. Des montagnes d’or, de cuivre, de tantale qui n’attendent qu’une chose :  être récupérées.

Si elles ne sont pas encore épuisées, les réserves de tantale ne sont pas éternelles. Pour continuer d’assurer le développement technologique, le nouvel enjeu est donc de recycler ces métaux précieux. On estime ainsi que sur une tonne de cartes électroniques, il y aurait 9 kilogrammes de tantale. Le recyclage est encore balbutiant : on ne recycle qu’à peine un pour cent du tantale. En Europe, une des dernières solutions est l’utilisation d’une eau portée à très haute température : l’eau « supercritique ».

En France, quelques unités de recyclage commencent à se développer, comme Ireta ou Remetox. Remetox est un projet porté par des chercheurs orléanais, visant à récupérer 95% des métaux contenus dans une carte électronique. L’eau portée à très haute température permettrait la dissolution des résines tout en préservant les métaux.
Le tantale n’est cependant qu’un métal parmi la soixantaine qui composent nos téléphones. Ces questions d’approvisionnement et de recyclage se posent aussi pour le germanium, l’indium, l’antimoine… Des métaux bientôt épuisés, parfois impossibles à substituer, ce qui implique que les fabricants vont devoir s’approvisionner en métaux recyclés.  

Le téléphone écologique ne semble pas pour demain. Il y a d’abord nos habitudes. L’Agence française de l’environnement (Ademe) estime qu’en moyenne, un Français change tous les deux ans de téléphone, alors que celui-ci est très souvent en état de marche. Il y a surtout les grands fabricants et la conception de leurs produits : des téléphones difficilement réparables, souvent incompatibles avec les autres modèles.

« Recyclage des métaux stratégiques. Vers quelles technologies ? », Cetim.

« Inventaire et devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles », 22 juin 2016, Mission commune d’information du Sénat.

« Critical Raw Material », Commission européenne.

Minerals USGS.