Par Fanny Monier (artiste) et Maxime Vincent (rédacteur)
Nous sommes habitués depuis toujours à expliquer le monde en terme de causalité. Lorsque nous sommes témoins d’une coïncidence, elle nous amuse, elle nous intrigue, mais nous n’allons pas plus loin. La synchronicité est une théorie qui nous permet d’aller plus loin et de relier des événements n’ayant a priori pas de rapport entre eux, si ce n’est le sens subjectif qu’ils nous inspirent. Cette théorie touche à divers sujets, du Big Bang aux comportements des atomes dans une centrale nucléaire. Elle peut même prétendre à expliquer le fonctionnement de notre univers entier.
La science et la logique occidentale en générale expliquent le monde par les liens de causalité : l’événement A arrive parce que l’événement B s’est produit, lui-même venant des événements C et D. En dehors d’une telle causalité, il devient très difficile, si ce n’est impossible de déclarer que deux événements sont liés. Dans un tel rapport, deux dimensions sont essentielles : la spatialité et la temporalité. Plus un objet est loin d’un autre moins il a de chance de l’affecter. De la même manière, plus un événement s’est produit il y a longtemps, moins il a de chances d’affecter un événement présent. Par exemple, un repas pris par Cléopâtre il y a 2000 ans a peu de chance d’affecter la journée de pêche d’un paysan vietnamien aujourd’hui. Néanmoins, l’éloignement temporel et géographique n’est pas suffisant pour écarter l’hypothèse d’une chaîne de causalité entre les deux événements. Il serait difficile de trouver un lien mais une recherche très détaillée pourrait révéler que puisque le dîner de Cléopâtre s’est déroulé avec deux heures de retard, un de ses serviteurs a pu passer plus de temps au marché et rencontrer une marchande perse, une histoire d’amour aurait pu s’ensuivre, menant à la naissance d’un enfant dont la descendance vivrait aujourd’hui au Vietnam et pourrait posséder les barrages de tous les fleuves du pays, influençant ainsi la pêche de notre paysan. Cette chaîne de causalité est improbable mais néanmoins possible.
En réalité, pour trouver deux événements n’ayant entre eux aucun lien de causalité, il faut raisonner de façon inverse, c’est-à-dire en examinant deux événements simultanés. Il est ainsi physiquement impossible qu’un événement se passant à New York puisse influencer un événement se produisant sur Mars exactement au même moment. Pour que nous puissions envisager un lien de causalité matériel, il doit exister un objet B qui parcoure la distance séparant les deux événements pour que nous puissions dire “l’événement A a causé l’objet B qui a causé l’événement C”. Or, nous savons qu’aucune force, énergie ou matière connue n’est capable d’aller plus vite que la lumière — soit 300.000km/s — et qu’il n’en existe probablement pas. Il faudrait donc au minimum 1 seconde de décalage entre deux événements se déroulant à 300.000 km de distance pour qu’un objet puisse relier matériellement deux événements. Ainsi, il est physiquement impossible qu’il existe un lien matériel de causalité entre deux événements se déroulant l’un sur Mars, l’autre à New York, s’ils se produisent exactement au même moment.
C’est en partant de ce présupposé du lien causal que Carl Jung, dans les années 20, s’attelle à la lourde tâche de comprendre les coïncidences, c’est-à-dire quand deux événements simultanés, ne pouvant pas avoir un lien causal physique semblent néanmoins être liés. L’exemple que le psychanalyste prend est celui d’une patiente très cartésienne refusant de remettre en cause sa vision du monde extrêmement rationnelle lors de ses séances avec son psychiatre. Un jour, lors d’une de leurs entrevues, elle lui parle d’un rêve dans lequel un scarabée doré virevoltait autour d’elle avant de se poser sur sa main. Jung regardait par la fenêtre lorsqu’elle lui racontait son histoire. C’est alors qu’un scarabée doré, d’une espèce rare, se pose sur sa main. Il se retourne vers sa patiente en lui montrant l’insecte : « le voilà votre scarabée ». Jung raconte que cette expérience bouleversa profondément sa patiente qui remit en cause sa vision du monde et put ainsi passer un cap important dans son analyse.
Dans cet exemple est contenue l’essence de ce que Jung appellera désormais la « synchronicité » ; l’association de deux événements sans lien causal mais porteurs de sens. Dans l’idée de Jung, ce n’est pas parce que deux phénomènes ne sont pas liés dans le monde matériel qu’ils ne le sont pas dans le monde psychique.
Notre compréhension du monde en tant qu’être humain est limitée, surtout lorsqu’elle se base sur nos observations. Il y a de cela quelques siècles, nous étions persuadés que les planètes et le Soleil tournaient autour de la Terre, tout simplement parce que c’était ce que nous observions tous les jours. De la même manière, ce n’est pas parce que les seuls liens que nous sommes capables de discerner et d’envisager aujourd’hui sont des liens de causalité dans le monde matériel qu’il n’en existe pas d’autres, acausaux et psychiques par exemple. Dans cet esprit, on pourrait donc concevoir un lien psychique entre un ou plusieurs objets ou événements ; un lien qui ne serait pas matériel, qu’on ne pourrait pas mesurer ou observer mais que l’on pressentirait, parce que la synchronicité des phénomènes, c’est-à-dire le fait qu’ils soient synchrones, ferait sens.
De manière simplifiée, on pourrait dire qu’un fil invisible et immatériel relie les deux événements, les obligeant à fonctionner en même temps et dans le même sens ; comme deux personnes accrochées par une même corde ; lorsque l’une avance, l’autre recule. La seule différence dans un événement synchronistique, c’est qu’aucune des deux personnes ne précède l’autre, le fait que l’une avance ne cause pas le fait que l’autre recule, elles le font en même temps. Jung appelle ce « fil invisible » un archétype, c’est-à-dire une structure psychique qui lie plusieurs objets et événements entre eux.
Ainsi, la synchronicité est une idée qui va au delà de la simple coïncidence entre deux phénomènes ; elle permet de relier plusieurs phénomènes sur un plan qui n’est pas matériel. Dans ce monde, les objets n’ont pas une relation de causalité (le récit du rêve n’a pas engendré le scarabée et vice-versa) mais ils sont, pendant un court moment, unis sur ce même plan.
Il faut le reconnaître, cette théorie peut rendre certains sceptiques tant elle semble fondée sur peu. Une petite coïncidence dans un cabinet de psychanalyse mène à une interprétation qui remet en cause une des bases de notre compréhension du monde. On peut d’ailleurs, comme beaucoup l’ont fait avant nous, accuser Jung de mysticisme, de croire en l’existence d’une force supérieure, presque semblable à Dieu, simplement pour expliquer une petite coïncidence. C’est pourquoi il semble important d’évoquer quelques exemples d’événements acausaux communs dans le monde de la science qui prouvent que les suppositions de Jung ne sont pas le fruit de délires mystiques. Car, après cette découverte, le psychanalyste se rapprocha du physicien Wolfgang Pauli pour approfondir le sujet. Pauli étudiait le comportement des particules subatomiques, ce que l’on appelle la physique quantique. Or, tout comme son comparse, Pauli se retrouvait face à d’étranges phénomènes acausaux au cœur du monde des atomes.
Il faut rester prudent lorsque l’on utilise la notion d’acausalité en science. Il est facile de qualifier un événement d’acausal tout simplement parce que l’on n’a pas encore découvert sa cause. Ainsi, un homme ignorant l’existence de la loi de la gravité pourrait se dire qu’une pomme tombant par terre est un événement acausal parce qu’il ne voit rien attirant la pomme vers le sol. Beaucoup de phénomènes nous ont échappé par le passé que nous avons ensuite pu expliquer. Il est ainsi probable que plusieurs des phénomènes décrits dans cet article, et qui sont aujourd’hui insolubles dans nos lois causales, trouvent à l’avenir leur place dans une chaîne de causalité. Nous pourrons alors jeter cet article à la poubelle et retourner sur les chemins plus habituels du monde causal où chaque chose arrive parce qu’une autre l’a provoquée.
La Désintégration atomique
Notre premier exemple provient d’un phénomène assez commun et répandu, du moins au cœur des centaines de réacteurs nucléaires en activité dans le monde. Il s’agit de la désintégration des atomes. Certains atomes sont instables, ils possèdent trop de protons ou de neutrons dans leur noyau. Pour atteindre un état stable, ils désintègrent leur surplus de particules, c’est-à-dire qu’ils transforment un proton en neutron ou un neutron en proton. Jusqu’ici nous sommes en pleine causalité, le surplus cause la désintégration. Néanmoins, les choses se compliquent lorsque l’on regarde la fréquence de désintégration, quand on essaie de prévoir à quel moment exact un atome précis va se désintégrer.
Pour mesurer cette durée, on utilise la notion de demi-vie. Une demi-vie, c’est le temps qu’il faudra à un groupe d’atomes pour que la moitié de ses membres se soit désintégrée. Par exemple, dans le cas de l’uranium 232, sa demi-vie est de 70 ans. Cela signifie que pour un paquet de cent atomes, il n’en restera que 50 au bout de 70 ans, puis au bout de 70 nouvelles années, la moitié de ces 50 atomes se sera de nouveau désintégrée, il n’en restera plus que 25, etc.
Au premier coup d’œil, il semble que certains atomes se désintègrent plus vite que d’autres et que nous soyons simplement incapables de repérer lesquels, un peu comme à un concours où nous savons que seulement 10 élèves seront admis mais où nous sommes incapables de prédire qui. Or, si l’on sépare dès le début notre paquet de 100 atomes en deux paquets de 50, au bout de 70 ans, il y aura toujours exactement 25 atomes restants dans chacun des paquets et ce, indépendamment de la façon dont les atomes ont été séparés et indépendamment de l’environnement. L’hypothèse d’atomes qui de toute façon avaient prévu de se désintégrer au cours des premiers 70 ans est ainsi impossible. A cette échelle, l’atome individuel (qui est pourtant intrinsèquement instable) semble réagir comme s’il dépendait du groupe, comme s’il était en relation constante avec ses 49 congénères et « savait » quand il devait se désintégrer. Pourtant aucune interaction n’a lieu entre les atomes, l’atome A n’a matériellement aucune emprise sur l’atome B et pourtant ils agissent de concert. Seul le regroupement semble guider leur désintégration.
Il semble que nous soyons ici face à un phénomène que Jung qualifierait de synchronistique. Un événement acausal (le moment de la désintégration) qui prend un sens vis-à-vis du groupe d’atomes (la demi-vie). Les atomes agissent en fonction de leur appartenance à un ensemble plus vaste qui pourtant n’a aucune prise matérielle sur eux, comme si un fil invisible (l’archétype psychique) les contraignait à agir de façon cohérente.
Le Paradoxe EPR
Toujours dans le domaine de l’infiniment petit, il existe un phénomène qui semble attester encore plus l’existence d’un lien immatériel et constant entre les atomes. Il s’agit du paradoxe Einstein-Podolski-Rosen ou EPR.
En mécanique quantique — la science physique analysant le comportement des atomes et des particules —, la place de l’observateur dans le processus d’observation scientifique est centrale. À l’échelle subatomique — l’échelle des particules composant les atomes —, on considère que toute observation d’un système le modifie durablement. Ainsi, un système en mouvement restera figé dans la position dans laquelle il a été observé, on appelle ça la réduction du paquet d’onde. Cette théorie a notamment été popularisée par l’histoire du chat de Schrödinger. On met un chat dans une boîte avec deux gamelles, l’une étant saine et l’autre empoisonnée. On considère que le chat a autant de chance de manger dans la gamelle saine que de manger dans la gamelle empoisonnée. Il a donc une chance sur deux de mourir en mangeant sa gamelle. Or, tant que l’on n’ouvre pas la boîte, il est impossible de savoir si le chat est vivant ou mort. Si le chat était une particule, on considérerait que c’est le fait d’ouvrir la boîte qui va déterminer si le chat sera mort ou non. En effet, en ouvrant la boîte, on fige le système, on émet une conclusion définitive : le chat est mort. Avant l’ouverture de la boîte, le chat n’est ni vivant ni mort, il est même possiblement les deux puisqu’il est la représentation de toutes les possibilités. De la même manière, en observant des particules, on fige leur état pour toujours dans la position dans laquelle on les découvre, on les « tue ». Et avant de les observer, on considère qu’elles occupent l’entièreté de l’espace. Par exemple, on considère qu’un électron est présent à tous les endroits du nuage autour de son noyau. Ainsi, il est physiquement impossible qu’un système soit prédéterminé. Tant qu’il n’a pas été observé, sa position est inconnue et aléatoire, c’est le principe d’incertitude, on ne sait pas et on ne saura jamais prédire la position d’un électron sans l’observer et l’immobiliser. Ce raisonnement qui peut sembler complètement contre-intuitif pour les êtres macroscopiques que nous sommes est pourtant la réalité quotidienne de l’ensemble des atomes de l’univers et il est impossible de comprendre le monde subatomique sans raisonner de cette manière.
Ainsi, depuis presque 100 ans, toutes les expériences basées sur ce principe d’incertitude et de non détermination ont été vérifiées. A l’inverse, toutes les hypothèses raisonnant sur la base de système où les particules ont une position précise à un moment précis se sont révélées fausses.
Le paradoxe EPR vient d’une expérience d’Einstein visant à prouver que ces présupposés tirés des équations quantiques sont faux et que les systèmes sont prédéterminés avant qu’on les observe. Pour cela, il nous faut prendre deux particules « intriquées » c’est-à-dire deux particules liées entre elles parce qu’elles ont interagi à un moment de leur existence (par exemple deux photons provenant de la désintégration d’un même atome). Ensuite, on sépare ces particules, on en envoie une à Los Angeles et l’autre à Shanghaï. Puis on mesure leur état en même temps. Logiquement, en suivant les lois de la mécanique quantique, leurs positions devraient être aléatoires puisqu’elle ne dépendent que du fait de les mesurer. Tant qu’on ne les mesure pas, elles sont indéterminées, elles ne peuvent donc pas avoir la « mémoire » de leur position initiale. Or, on se rend compte qu’à chaque fois, les particules se placent en exact miroir de leur partenaire, l’une en position négative, l’autre en position positive ! Elles agissent de concert. Même séparées par des milliers de kilomètres, elles réagissent simultanément et de façon cohérente, comme si elles « savaient » ce que l’autre allait faire et vice-versa.
Avec un raisonnement causal, un tel événement n’a aucun sens : les particules n’ont aucun moyen d’être informées de l’état de leur jumelle (elles sont trop éloignées l’une de l’autre et l’on ne connaît aucun élément capable d’aller à une vitesse suffisante pour expliquer la simultanéité) et aucun moyen d’avoir une position prédéterminée (principe d’incertitude). Nous sommes encore une fois en plein royaume de l’acausalité.
Les deux phénomènes que nous avons décrits sont très connus, et l’issue de ces expériences est certaine. Nous pouvons prouver mathématiquement que les atomes réagissent toujours de cette manière. Pourtant, nous sommes incapables d’apporter une explication définitive. Nous ne savons tout simplement pas comment cela est possible et pourquoi cela se produit. Une des explications, bien que non-vérifiable en observant la matière uniquement, serait l’existence d’un lien reliant les différents atomes et leur permettant d’avoir « conscience » des autres.
Revenons maintenant à la théorie de la synchronicité et tentons de voir comment celle-ci pourrait apporter une réponse à ces paradoxes.
Pour comprendre la petite révolution que la synchronicité promet, il faut se glisser dans un débat philosophique millénaire : la distinction entre le monde psychique (certains diront spirituel) et le monde matériel. Les plus grands représentants de ce débat sont certainement Platon et Aristote, Platon affirmant que le monde matériel n’est qu’une apparence, un voile cachant la réalité qui, elle, est purement spirituelle et Aristote affirmant que l’esprit est au contraire une pure construction basée sur la matière. Si pendant des siècles, en Europe comme en Asie, la première école fut majoritaire, l’avènement de la science expérimentale et donc de l’étude précise et reproductible de la matière (tandis que l’étude de l’esprit se prêtait mal à la méthode expérimentale), nous a conduits à embrasser majoritairement la vision d’Aristote. Aujourd’hui, pour comprendre la conscience humaine, on fait davantage confiance aux neurosciences qu’aux pratiques de méditation, avec l’idée que ce sont les connexions entre nos neurones qui produisent notre conscience et notre esprit, que la matière crée notre esprit et non pas l’inverse, avec parfois même l’idée extrême que le monde spirituel n’existe tout simplement pas et qu’il n’y a que la matière qui soit réelle.
Dans tous les cas, qu’elles attestent de l’existence du rapport matière/esprit ou non, ces deux visions se trouvent limitées par leur acharnement à le placer dans une chaîne de causalité : qui crée l’autre ? Qui influence qui ? Même les recherches en
psychosomatique, si elles admettent que les deux influent l’un sur l’autre, cherchent en définitive à identifier les moments précis où l’esprit influence le corps et où le corps influence l’esprit.
Or, avec la synchronicité de Jung, on quitte cette dichotomie pour entrer dans une nouvelle compréhension du phénomène selon laquelle le corps n’influence pas l’esprit et inversement, mais où les deux sont liés, unis dans un même continuum, à la fois matière et esprit. Dans le monde de la synchronicité, matière et esprit agissent de concert, sans besoin d’interaction, comme un seul corps. Il n’y a pas besoin que l’un dicte sa loi à l’autre puisque les deux font de toute façon la même chose. Selon les termes de Jung, lors d’un événement synchronistique, matière et esprit se retrouvent autour d’un archétype, une sorte de schéma immanent — c’est-à-dire un schéma qui se suffit à lui-même, qui existe malgré son environnement —, une feuille de route que les deux suivent précisément. C’est pour cela que la question du sens est primordiale. La coïncidence a un sens parce que nous contenons en nous-mêmes cet archétype par le simple fait que nous sommes constitués de matière et d’esprit.
Dans les exemples précédents, la thèse de l’archétype liant les atomes entre eux permettrait d’expliquer leur « conscience de groupe » et leurs agissements simultanés. Sur un plan matériel, ils sont indépendants mais sur le plan de l’archétype, ils forment un tout cohérent, ce qui explique leur comportement synchronistique, ils agissent d’un seul corps. Une telle thèse permettrait d’expliquer le comportement des atomes en désintégration, celui des atomes intriqués mais également d’expliquer la lueur fossile, cet instant primordial au tout début du Big Bang, lorsque le temps n’existait pas et où pourtant, tous les atomes de l’univers concentrés en un point avaient la même température bien qu’il n’aient jamais été en contact avant.
Marie Louise von Franz parle d’Unus Mundus pour décrire ce monde des archétypes combinant à la fois le monde spirituel et le monde matériel. On retrouve déjà ce concept dans certaines philosophies comme celle de Spinoza ou du philosophe indien Shankara avec le concept de Brahman/Atman, un concept dans lequel les identités de chaque objet sont considérées comme des illusions dissimulant la réalité — un tout unique qui n’est fait ni de matière ni d’esprit.
La synchronicité peut alors s’inscrire dans cette lignée que certains fondateurs de la physique quantique avaient pressentie en supposant « l’indivisibilité du tout ». Un monde que nous ne pourrions pas penser comme un ensemble d’éléments individuels constituant un tout mais comme un grand ensemble où chaque chose serait reliée aux autres en permanence, parfois matériellement lorsque la distance et les durées le permettent et toujours psychiquement sur un autre plan sous-jacent.
L’univers serait comme une sorte de grande nappe sur laquelle seraient collées des milliards d’oranges. On peut éplucher les oranges, les découper, les séparer en quartiers mais elles resteront toujours collées à la nappe. Lorsqu’un bout de la nappe bougera, toutes les oranges bougeront dans le même sens, lorsqu’on fera rouler une orange, la nappe s’enroulera autour d’elle et touts les oranges suivront. Dans cet univers, nous sommes nous-mêmes des oranges, nous pouvons déduire l’existence de la nappe comme nous venons de le faire mais nous ne pourrons jamais nous en détacher et l’observer d’en haut pour être absolument certains de ce qu’elle est.