Par Mathilde Ernst (artiste) et Maxime Vincent (rédacteur)
L’Inde contemporaine est aujourd’hui le théâtre d’une recrudescence de discours et de violences identitaires opposant hindous et musulmans comme rarement auparavant. En cause : le parti au pouvoir, le BJP, qui, depuis près de quarante ans, mène une politique de division pour mieux récupérer les votes des hindous apeurés. Retour sur son idéologie, qui envisage l’Inde comme un pays avant tout hindou, excluant de fait les minorités religieuses chrétiennes et musulmanes.
Le 30 janvier dernier, nous commémorions la mort de Gandhi, assassiné il y a 70 ans. Lors du procès, le meurtrier, Nathuram Vinayak Godse, explique son geste par une longue déclaration dans laquelle il fustige sa politique de complaisance envers les musulmans. La récente partition de l’Inde en deux pays, les massacres lors des grandes migrations entre Pakistan et Inde, le déclenchement de la première guerre entre les deux pays pour le contrôle du Kashmir, tous ces événements tragiques qui viennent de frapper le pays, Godse les met sur le dos de la politique de tolérance de Gandhi. À trop valoriser la tolérance des hindous et la non-violence, le Mahatma aurait permis aux musulmans de prendre tout ce qu’ils voulaient, de profiter sans limites des largesses du gouvernement indien. Tuer Gandhi, c’était permettre au pays de tourner la page de l’indépendance et de finalement créer une nation hindoue, comme le Pakistan avait créé une nation musulmane.
Nathuram Vinayak Godse était un nationaliste hindou, un de ceux qui envisagent l’Inde comme un « Hindu Rashstra », une Nation Hindoue. L’islam et le christianisme étant des religions étrangères, ils partent du principe que tous les Indiens, peu importe leur religion actuelle, étaient hindous à l’origine. Les différences religieuses existantes en Inde aujourd’hui sont, pour les nationalistes, le résultat des invasions des Moghols musulmans puis des Européens chrétiens. Elles seraient le résultat d’abus de pouvoir, de corruption et de menaces. Certains nationalistes vont ainsi jusqu’à recommander la reconversion des Indiens à l’hindouisme pour rendre à l’Inde son état originel, ignorant ainsi, par la même occasion, de prendre en compte une grande partie des conversions à l’Islam par des basses castes cherchant à échapper à la domination.
Après l’assassinat de Gandhi, plusieurs organisations nationalistes hindoues, comme les paramilitaires du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh : Organisation Patriotique Nationale) sont interdites et des membres du parti nationaliste, le Hindu Mahasabha, sont emprisonnés pour complot par le gouvernement de Nehru, qui utilise l’événement pour faire prévaloir le sécularisme — l’égalité des religions maintenue par un gouvernement non-affilié. Le RSS sera ensuite reformé à la fin des années 40, tandis que des membres éminents du Mahasabha s’en séparent pour former un nouveau parti, le BJS, qui deviendra en 1980 le BJP (Bharatiya Janata Party : le Parti du Peuple de l’Inde). Aujourd’hui, c’est ce même BJP qui dirige l’Inde, avec à sa tête Narendra Modi, l’actuel premier ministre. Avec 110 millions de membres, 52 % des sièges à l’assemblée et le contrôle de 19 États parmi les plus peuplés d’Inde (sur un total de 36), le parti est la force politique la plus puissante du sous-continent, si ce n’est du monde, et le premier à réussir à éclipser le contrôle quasi ininterrompu du Parti du Congrès (le parti de Nehru) depuis l’indépendance. Les nationalistes hindous gouvernent l’Inde, presque sans partage.
Valoriser l’hindouisme pour combattre la colonisation
Pour analyser comment une mouvance politique associée au meurtre de Gandhi a pu gagner le cœur de la majorité du peuple indien, il nous faut d’abord comprendre les liens étroits entre le nationalisme hindou et le mouvement indépendantiste indien des XIXe et XXe siècles.
Tout au long du XIXe siècle, des révoltes éclatent dans l’empire britannique, que ce soit pour protester contre les famines organisées par le gouvernement, l’exploitation des paysans ou encore l’utilisation de graisse de bœuf et de porc dans les cartouches des régiments indigènes. Mais ces révoltes manquent d’un lien, d’une connexion faite entre elles pour soutenir un mouvement généralisé avec pour but l’indépendance du pays.
En parallèle, les élites intellectuelles redécouvrent leur héritage et réinterprètent les textes religieux anciens comme les Vedas ou le Bhagavad Gita. Plusieurs réformateurs s’attellent à la tâche de définir l’hindouisme, non plus avec une définition négative (basée sur « ce qu’il n’est pas ») mais avec une vision positive (basée sur « ce qu’il est »). Parmi ces nouveaux leaders religieux, Swami Vivekananda et sa synthèse d’un hindouisme social et non-dualiste — c’est-à-dire dans lequel le monde entier est identifié à Dieu — réunit beaucoup de fidèles grâce à la force de son message qui permet à tous les Indiens, peu importe les dieux qu’ils vénèrent, de se retrouver dans une même histoire. Le message est ainsi très fort car il tire des textes sacrés et de la tradition religieuse hindoue la promesse d’une religion universelle et partagée par tous.
À cette pensée religieuse unificatrice, Vivekananda ajoute une forte dimension nationaliste en se fixant pour objectif de démontrer l’importance philosophique de la culture indienne pour le monde entier. En voyageant à travers le monde et en répandant sa définition de l’hindouisme, il entend déconstruire l’idée occidentale et orientaliste d’une civilisation indienne arriérée, enfermée dans un polythéisme primitif et une structure sociale de castes archaïque.
De nombreux nationalistes suivront cette voie de valorisation de la culture religieuse hindoue et contribueront à associer étroitement les deux notions. Des révolutionnaires comme Sri Aurobindo deviennent des saddhus (des saints ascètes), des organisations comme le RSS demandent à ses adhérents de devenir des sannyasi, (des moines refusant toute vie familiale et attachement matériel au nom de leur cause) ; même le Parti du Congrès et Gandhi en première ligne utilisent la rhétorique religieuse de l’ahimsa, la non-violence, et se revendiquent du non-dualisme hindou des penseurs religieux du XIXe. En somme, c’est tout une partie de la pensée indépendantiste qui lie étroitement l’identité indienne avec la culture hindoue, et qui rend, par la même occasion, la distinction sémantique entre « hindou » et « indien » encore plus floue.
La séparation idéologique et politique autour de l’Hindutva, pour une Inde hindoue
Il faut attendre le début du XXe siècle pour que la vraie constitution idéologique et politique du nationalisme hindou en tant que mouvement indépendant du nationalisme indien se produise.
En 1906, des intellectuels musulmans du Parti du Congrès, prenant note de la domination des hindous sur le parti, décident de créer la Ligue musulmane dont l’objectif était d’élever le niveau d’éducation chez les musulmans indiens, notamment leur éducation politique, en vue de défendre les droits des musulmans. Au début, leur agenda rejoint en grande partie celui du Congrès. Progressivement, à la suite de la Première Guerre mondiale, des tensions naissent entre les deux partis et la « théorie des deux nations » — selon laquelle l’Inde est constituée de deux nations, l’une musulmane, l’autre hindoue, qui doivent avoir des territoires distincts — commence à se populariser chez les membres de la Ligue.
C’est à ce moment, par peur de la séparation du pays en deux, que le nationalisme hindou se sépare du nationalisme indien. En 1925 est fondée l’organisation paramilitaire du RSS qui devient rapidement l’une des plus grandes organisations militantes de l’Inde. Idéologiquement, ce mouvement est en grande partie structuré par le révolutionnaire Vinayak Damodar Savarkar. Emprisonné par les anglais, il profite de ses années en prison pour structurer la pensée nationaliste hindoue autour d’un nouveau concept : l’Hindutva.
Hindutva peut se traduire par « Hindunité », le « fait d’être hindou ». Fortement athée — dans le sens hindou, c’est-à-dire spirituel mais sans dévotion à Dieu —, Savarkar envisage le terme comme une appartenance culturelle plus que religieuse. Le mot « religion » se traduit d’ailleurs par « dharma », qui pourrait à son tour se traduire par « la loi ». C’est cette forte association entre l’ordre social et la religion qui permet de la penser comme une culture plutôt qu’une pratique purement spirituelle. Fait ainsi partie de l’Hindutva toute personne ayant une religion ou une culture indigène, originaire de l’Inde, à savoir les hindous mais aussi les sikhs, les bouddhistes et les jains. Partant du principe que les musulmans et chrétiens indiens sont des hindous convertis, il ne voit pas de raisons à ce que les deux communautés vivent sous des lois différentes, encore moins à ce que le pays soit divisé en deux.
On pourrait résumer ainsi le principal facteur de division entre nationalistes indiens et nationalistes hindous sur cette vision de l’égalité. Pour le Congrès, les minorités religieuses doivent avoir des privilèges pour éviter qu’elles ne soient soumises à la loi de la majorité dans laquelle le plus grand nombre, les hindous, pourraient imposer leur loi aux autres. De la même manière, les basses castes doivent avoir droit à des quotas pour éviter que le pouvoir ne soit accaparé par les hautes castes. L’État vient rééquilibrer les rapports de force.
Pour les nationalistes hindous, une telle politique détruirait l’unité culturelle du pays en identifiant chaque individu à son appartenance religieuse. De plus, comme ils conçoivent l’hindouisme comme une religion universelle et fondamentalement tolérante — une vision très proche des réformateurs du XIXème siècle — l’éventuelle domination du groupe hindou sur les autres ne peut pas devenir un problème. La diffusion de l’hindouisme ne peut, selon lui, qu’apporter plus de tolérance et d’unité à la nation indienne en favorisant son uniformisation. L’État doit ici privilégier le laisser-faire et s’il doit intervenir ce doit être en faveur de l’hindouisme.
Diviser pour mieux régner : la stratégie du communalisme du BJP
Dans les premières décennies après l’indépendance, et principalement en raison de l’aura dont bénéficiait le Congrès, c’est la première solution qui fut appliquée. Ainsi, par exemple, furent gardées les « lois personnelles » héritées du gouvernement colonial qui permettent à chaque communauté religieuse de faire référence à ses propres lois plutôt qu’à un code civil uniforme.
Dans les années 80, cette législation fut à l’origine d’un grand débat national qui remue encore aujourd’hui la scène politique indienne et contribua à populariser le discours du BJP. En 1985, une femme musulmane, Shah Bano, est divorcée par son mari selon la coutume locale, le triple Talaaq — prononcer trois fois la phrase « je te divorce ». Elle attaque alors son mari en justice pour annuler ce divorce unilatéral et récupérer des dédommagements. L’affaire arrive jusqu’à la Cour suprême indienne qui donne raison à Shah Bano. Indignés par le fait que l’on puisse bafouer leurs lois, de nombreux musulmans sortent dans la rue pour défendre leur droit à la liberté religieuse. Par peur d’une défaite aux élections, le Congrès annule la décision de la Cour en votant une loi fédérale qui rend caduque la plainte de Shah Bano. Tandis que les associations de défenses des droits des femmes critiquent virulemment la prise de position du gouvernement, le BJP s’empare de l’affaire en dénonçant la « stratégie d’apaisement des minorités du Congrès et la discrimination envers les hommes non-musulmans. »
Le scandale vient alors renforcer le discours récurrent des nationalistes hindous sur l’accord de privilèges aux musulmans aux dépens d’une communauté hindoue reléguée au second plan. Ils accusent le sécularisme du Congrès d’être un prétexte pour une politique clientéliste, c’est-à-dire une politique par laquelle on acquiert des votes en accordant des privilèges, voire en donnant de l’argent à des religieux corrompus. Ils tentent ainsi de s’ériger en défenseurs d’une majorité silencieuse d’hindous persécutés et dupés par la politique pro-musulmans du Congrès.
Dans la même veine, le BJP développe tout un pan de sa rhétorique contre les avantages donnés aux basses castes. Ceux-ci avaient été instaurés afin de réduire les grandes inégalités entre les hautes et les basses castes dans la société indienne. Il s’agissait d’éviter que tous les postes d’universitaires soient attribués aux brahmanes sous prétexte qu’ils font partie de la classe des intellectuels et tous les postes d’éboueurs aux Sudras (la caste des travailleurs manuels). Des quotas existent ainsi toujours pour permettre aux intouchables d’avoir un certain nombre de postes réservés dans les administrations. Suivant le même principe d’égalité formelle entre tous les groupes de la société, l’un des grands combats du BJP est ainsi d’abolir ce système qui selon eux appauvrit les hautes castes et empêche les méritants d’accéder à certains postes. Une logique qui va à l’encontre de toutes les études statistiques qui tendent au contraire à montrer que les intouchables sont parmi les communautés les plus discriminées d’Inde. Cette logique de défense des privilégiés se manifeste également sur le plan économique avec un fort soutien apporté aux riches investisseurs et à l’élite financière aux dépens des normes sociales et environnementales — on apprenait d’ailleurs, il y a quelques semaines, que 73 % des richesses en Inde étaient possédées par les 1 % les plus riches.
Le BJP au pouvoir et la multiplication des provocations
Ce discours a toujours eu une forte popularité auprès des classes supérieures, notamment parce qu’il les conforte dans leurs privilèges en sauvegardant la structure hiérarchique de la société. Seulement, pour arriver au pouvoir, le BJP avait besoin d’une base plus large. Ce soutien, il le trouve aujourd’hui dans la classe moyenne urbaine. En son sein, beaucoup partagent l’idée d’une société indienne en déclin dont les valeurs et les traditions sont tous les jours un peu plus piétinées. Fragilisés par les réformes économiques décentralisatrices et libérales des années 90 et 2000, ils ont aujourd’hui peur du déclassement, peur de ne pas être assez compétitifs et que l’on prenne leur place. En même temps, ils ne veulent pas d’une économie dirigée par l’État comme c’était le cas auparavant, car ils espèrent récolter les profits d’une croissance générée par les privatisations et les investissements étrangers.
Dans un tel schéma, le discours du BJP leur convient de plus en plus car il promet une libéralisation économique accompagnée de plus de protection et d’avantages pour les hindous. Les nationalistes hindous insistent sur cette image de déclin culturel de la société indienne pour justifier la nécessité de sauvegarder la religion et l’ordre social hiérarchique et pour créer une société plus forte, plus unie, plus traditionnelle et plus proche d’un âge d’or perdu.
Cette stratégie a formidablement marché il y a 4 ans, quand pour la première fois depuis 1984, un parti unique a réussi à remporter la majorité absolue à la Chambre des députés. Depuis, c’est presque un raz de marée : pas loin de deux tiers des États indiens (et parmi les plus peuplés) sont dirigés par le BJP ou une de leurs alliances, il a gagné l’élection présidentielle l’année dernière et, avec plus de 100 millions de membres, il peut même revendiquer d’être le plus grand parti politique du monde. Son succès est incontestable.
Mais c’est un succès basé sur un attisement phénoménal des tensions entre hindous et musulmans. Car, pour récupérer le soutien de la majorité hindoue, la stratégie du BJP consiste à diaboliser la communauté musulmane à la fois dans ses discours mais également par des actes provocateurs.
Par exemple, en 1992, le BJP organise avec d’autres organisations nationalistes une manifestation dans la ville d’Ayodhya, la supposée ville de naissance de Rama, un des dieux hindous les plus populaires. D’après certaines sources historiques, les envahisseurs moghols du XVIe siècle y auraient détruit un temple en l’honneur du dieu pour le remplacer par une mosquée. La manifestation avait donc pour objectif de pousser les autorités à remplacer cette mosquée par un nouveau temple. Très rapidement et à force de discours agressifs de la part des leaders politiques, la manifestation dégénère et les 150 000
manifestants se ruent sur la mosquée pour la détruire à coups de marteaux et de haches avant de continuer leur entreprise de destruction dans une grande partie des mosquées de la ville. C’est ensuite dans tout le pays que des violences éclatent entre musulmans et hindous causant la mort d’au moins 2 000 personnes. Depuis, la construction d’un temple à la place des ruines de la mosquée fait toujours partie des revendications du BJP et provoque encore des violences à travers le pays. L’actuel Premier ministre lui-même, Narendra Modi, est soupçonné d’avoir fermé les yeux lors du massacre de 1 000 à 2 000 musulmans au Gujarat, lorsqu’il en était le Chief Minister.
Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des tensions grandissantes que le parti attise sans forcément en contrôler les conséquences. À côté, les gouvernements des États BJP ne cessent de promulguer des mesures favorisant la communauté hindoue, que ce soit en organisant des concours de chants de textes religieux dans les écoles publiques, en peignant de safran (la couleur sacrée des saints hindous reprise par les nationalistes hindous) les bus et bâtiments publics, en interdisant la consommation de bœuf (jusqu’à 10 ans de prisons dans certains États) voire en réécrivant l’histoire.
Ainsi, en mars dernier, l’actuel gouvernement (BJP) du Rajasthan a tout simplement décidé de réécrire l’histoire de la bataille d’Haldighati entre Moghols (musulmans) et Rajputs (hindous), en inscrivant dans les manuels scolaires que ce furent les Rajput qui la gagnèrent, en dépit de toute rigueur historique. Une décision qui surprend de moins en moins dans un pays où le Premier ministre annonçait en 2014 que l’existence de Ganesh (le dieu à tête d’éléphant) était la preuve que les anciens Indiens étaient maîtres dans l’art de la chirurgie esthétique au point d’avoir su greffer une tête d’animal à un homme. L’ancien directeur du Conseil indien de la recherche historique était lui aussi adepte de la réécriture historique à l’aune des textes anciens et s’était fixé pour objectif d’établir la véracité historique des plus grands mythes hindous et ce, « malgré l’absence de preuves archéologiques ».
Combien de temps encore le BJP pourra-t-il continuer sa politique d’Hindutva, d’appropriation à outrance de l’identité hindoue ?
Jusqu’à présent, le parti de Narendra Modi a profité de l’absence d’adversaires crédibles, notamment parce que le Parti du Congrès manque d’un leader charismatique et qu’il est encore entaché des affaires de corruption de ses précédents mandats. À gauche, on espère aujourd’hui que les frasques incontrôlables de la base du parti nuiront à terme à la popularité du Premier ministre et lui feront perdre les élections de 2019. Encore la semaine dernière, un député BJP déclarait vouloir convertir le Taj Mahal, ce mausolée musulman, en « Tej Mandir » un temple en l’honneur de Shiva. Le Congrès attend ainsi depuis 4 ans que ces déclarations outrancières choquent définitivement le pays et renversent le gouvernement.
Pourtant, à un an des prochaines élections législatives, c’est moins sa politique identitaire qui menace d’affaiblir le BJP que l’impact de ses politiques économiques. L’augmentation de la TVA ainsi que la démonétisation mises en œuvre par le gouvernement ont ainsi ruiné beaucoup de paysans. Et, dans un pays où deux tiers des habitants vivent en zone rurale, c’est bien plus ce genre d’erreurs qui pourrait voler la victoire à Narendra Modi. Ainsi, les deux dernières élections partielles, au Rajasthan et au Bengale ont été un échec pour le parti. Et aux dernières élections de 2017, au Gujarat, l’État de Modi, la victoire était loin d’être assurée. Paradoxalement, c’est en accentuant le discours identitaire lors des dernières semaines que le Premier ministre à réussi à renverser la balance et à faire oublier la colère des commerçants.
Ainsi, quarante ans de stratégies visant à réduire la scène politique indienne à une affaire de religion et d’identité culturelle ont durablement affecté la société indienne. La crainte du déclin des valeurs, de la fin des traditions et de la soumission des hindous, est aujourd’hui légitimée par un parti ouvertement nationaliste et ouvertement hindou. Loin d’être une source de faiblesse ou une part sombre du parti à cacher du public, le discours de l’Hindutva devient aujourd’hui un rempart pour le BJP dans une Inde de plus en plus sujette aux ressentiments identitaires.