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La crise au Sud-Soudan : échec de la naissance d’un nouvel État

Par Apolline Lesueur Mimrame (rédactrice) et Fanny Monier (artiste)

 

Des millions de déplacés, un ménage sur trois en détresse alimentaire au Sud-Soudan… Retour sur le triste échec de la naissance d’un nouvel État.

Le Sud-Soudan, communément appelé le Soudan du Sud, est connu pour son extrême pauvreté : famine, malnutrition, guerre civile… Voilà ce qui est visible dans les informations occidentales. Des photos d’enfants d’une extrême maigreur défilent parfois sur les fils d’actualité, institutions internationales et ONG essayant de lancer des alertes sur la situation alarmante du pays africain, sans toutefois parvenir à apaiser les tensions entre rebelles et groupes de soutien au président en place, ni à enrayer la crise alimentaire. Après une lutte acharnée pour son indépendance, la population du sud du Soudan a réussi à l’obtenir par référendum en janvier 2011, et le pays a été reconnu par les Nations unies cette même année.

Cette jeune nation commence sa route dans des conditions difficiles, entre rivalités ethniques et jeux d’influence autour du pétrole. Si la communauté internationale est mobilisée depuis le début des affrontements et de la crise alimentaire, la réponse humanitaire est la seule solution au conflit qu’elle ait trouvée jusqu’ici. Mais comment le Sud-Soudan en est-il arrivé là ?

Illustrations de Fanny Monier. Sud-Soudan, famine, crise alimentaire, guerre civile... Échec d'une transition démocratique.
Illustrations de Fanny Monier.

Une longue lutte pour l’indépendance

 

Le Soudan du Sud est né de la scission du Soudan en 2011. Ce pays, voisin du Kenya, de l’Éthiopie, de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo, de la République centrafricaine et du Congo, a lutté plus de 50 ans avant d’obtenir son indépendance.

En 1956, après qu’un traité anglo-égyptien a reconnu le droit du Soudan à l’autodétermination, celui-ci est proclamé indépendant. Très rapidement cependant des différends religieux apparaissent et divisent le pays en deux régions : le nord, à majorité musulmane, et le sud, où la plupart des habitants de la région sont chrétiens ou animistes et ne désirent pas se voir imposer les règles de vie de la religion musulmane.

Les dissensions entre le gouvernement de Khartoum et le Sud mènent à une première guerre civile entre 1955 et 1972.  Après une dizaine d’années de paix, une seconde guerre civile, prolongement de la première, éclate en 1983. Celle-ci dure cette fois plus de vingt ans et, au total, ces deux conflits internes qui ont coûté plus de 2 millions de vies constituent l’une des guerres civiles les plus meurtrières du XXe siècle.

Après la signature du traité de paix de 2005, les rebelles, qui n’ont pas signé la séparation, obtiennent une avancée majeure : l’autonomie politique. Un premier pas vers l’indépendance finalement obtenue quelques années plus tard.

 

Rivalité ethnique

 

La région du Sud-Soudan est principalement peuplée par deux ethnies : les Dinkas et les Nuers. Ces deux ethnies ont longtemps partagé l’objectif d’indépendance, dans le Soudan unifié, et ont conjointement participé à la lutte contre l’islamisation encouragée par Khartoum dans les années 1980. Elles se retournent l’une contre l’autre dans le Sud-Soudan indépendant, aboutissant à une guerre civile extrêmement violente.

Cette division dans la région du sud du Soudan a eu un impact majeur sur la formation de groupes rebelles lors de leur lutte pour l’autonomie. La division au sein de l’opposition n’a pas érodé la volonté collective d’indépendance, mais elle a conduit à la naissance d’un pays divisé dès le départ.

Issus des deux ethnies rivales, deux hommes se disputent les rênes du pouvoir au Sud-Soudan : le vice-président Riek Machar et le président Sakva Kiir. Le premier est Nuer et ancien leader du SPLM (mouvement de libération du peuple soudanais) et le second est Dinka et ancien dirigeant du SPLA (armée de libération du Soudan).

Riek Machar est nommé vice-président de la région du Soudan du Sud en 2005. À cette époque, la région ne constitue pas un pays indépendant mais elle est déjà autonome. Mais, par peur de l’ampleur qu’est en train de prendre  le mouvement SPLM dans la direction du pays, le président décide de limoger Machar ainsi que tout un pan du gouvernement affilié au parti. Plus qu’un affront, cette destitution marque le début d’une violente guerre civile entre Sud-Soudanais et pose de réelles questions sur le bon fonctionnement de la démocratie dans le pays.

 

Instabilité économique

 

Déjà en faillite au lendemain de la déclaration d’indépendance1, le Sud-Soudan ne bénéficie pas d’infrastructures suffisantes pour tenir tout un pays, ce qui laisse planer, d’emblée, de sérieux doutes sur ses chances de réussite2. Les problèmes structurels du pays et ses difficultés économiques sont un terreau favorable à la reprise des hostilités, cette fois au sein même du Sud-Soudan. Les élites échouent à stabiliser la situation du pays et, si la population attendait une réelle avancée démocratique en obtenant son indépendance, les Sud-Soudanais déchantent très vite3.

L’intensification de la sécheresse a également accentué le conflit ethnique : la dégradation de la situation climatique a souvent contraint les deux ethnies rivales à migrer vers des régions plus riches en ressources et en eau. La raréfaction de celles-ci et le manque de biens de première nécessité a attisé la violence et la compétition pour survivre. Ce qui a amplifié leurs discordes qui reposaient déjà sur des clivages politiques et ethniques.

D’autre part, des puits de pétrole se trouvent dans la région de la frontière entre le Nord et le Sud du pays, ce qui a contribué à la difficulté à établir des frontières et amplifié les rivalités.

Illustrations de Fanny Monier. Sud-Soudan, famine, crise alimentaire, guerre civile... Échec d'une transition démocratique.

Les influences externes

 

Si la communauté internationale est restée un peu à l’écart de cette crise, certaines grandes puissances n’ont pas hésité, malgré le danger, à s’implanter dans la région. Quel intérêt y trouvent-elles ? Précisément, le pétrole. De fait, malgré la conjoncture politique bancale du pays, la Chine et la Malaisie s’y sont installées pour tirer profit des ressources du pays4. Et ce, alors que la Chine avait financé des opérations militaires contre les rebelles du Sud-Soudan pour garantir son exploitation pétrolière dans le pays, avant l’indépendance5.

 

D’autre part, après le 11 septembre, le président américain George W. Bush entre dans une lutte acharnée contre le terrorisme islamiste dans le monde entier. Par ailleurs, les États-Unis ont toujours affiché publiquement leur volonté de défendre l’autodétermination des peuples. Ces deux leitmotiv américains suffisent à ce que le républicain défende publiquement les rebelles sudistes dans leur combat6. Le président américain avait donc deux bonnes raisons pour intervenir dans un pays dont il n’était pas initialement proche, en lui apportant notamment d’importantes aides financières et en lui vendant des armes. La politique de soutien des rebelles sud-soudanais par les États-Unis était publiquement justifiée par leur droit à la liberté. Toutefois, lorsqu’une autre région du Soudan a elle aussi combattu pour son indépendance, le gouvernement américain – ainsi que  les Britanniques – s’y est fortement opposé. En effet, le Darfour a connu l’une des guerres d’indépendance les plus sanglantes de ces dernières années. Elle a causé la mort de 180 000 personnes en 3 ans selon l’ONU, et le déplacement de plusieurs centaines de milliers de personnes. Pourtant, les États-Unis et d’autres pays ont choisi de ne pas intervenir7. La raison de l’implication des États-Unis au Sud-Soudan ne tient pas alors à leur seule volonté d’aider les peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle tient également à des intérêts économiques.

« En réalité, comme le rappelait l’ancien ambassadeur de France au Soudan Michel Raimbaud, ce pays [le Sud-Soudan] concentre sur lui tout le cynisme des stratégies géopolitiques américaines. » Celles-ci sont « drapées dans de beaux concepts d’autodétermination », mais elles ont une autre portée que celle affichée publiquement. Ici, dans le cas du Soudan, il ne fait pas de doute que l’administration américaine cherchait à prendre le contrôle sur les réserves de pétrole du sud, où sont situés 70% des gisements du pays. En soutenant ainsi les indépendantistes sud-soudanais pour atteindre ce but et en faisant organiser des élections si vite, les américains semblent avoir participé à l’échec d’une transition démocratique du pays.

Illustrations de Fanny Monier. Sud-Soudan, famine, crise alimentaire, guerre civile... Échec d'une transition démocratique.

Inaction de la communauté internationale

 

Dès la création de l’État, en juillet 2011, le conseil de sécurité de l’ONU reconnaît que la situation du pays est alarmante et met en place la MINUSS (mission des Nations unies au Soudan du Sud). D’ailleurs le conseil de sécurité avait déjà voté pour mettre en place des sanctions contre les dirigeants du pays8. Mais rien ne change. Pire encore, la situation s’aggrave. Depuis, la guerre civile interne au Sud-Soudan a éclaté et une crise alimentaire a été déclarée. Deux ans plus tard, quand en décembre 2015 éclatent des combats entre SPLA et SPLM, la communauté internationale reste silencieuse9. Aujourd’hui, le Sud-Soudan ne reçoit pas d’aide suffisante des organisations internationales et connaît l’une des situations de famine les plus tragiques du monde.

  1. Marc-André Lagrange, « Soudan du Sud : de l’État en faillite à l’État chaotique », Politique étrangère, 2015/2 (Été), p. 137-145. DOI : 10.3917/pe.152.0137.
  2. Géraldine Giraudeau . La naissance du Soudan du Sud : la paix impossible ?. In: Annuaire français de droit international, volume 58, 2012. pp. 61-82; doi : 10.3406/afdi.2012.4671.
  3.  Marc-André Lagrange, « Soudan du Sud : de l’État en faillite à l’État chaotique », Politique étrangère, 2015/2 (Été), p. 137-145. DOI : 10.3917/pe.152.0137.
  4. Béatrice Giblin, Les conflits dans le monde. Approche géopolitique, Armand Colin, pp.221-233, 2016, collection U, 978-2-200-61161-3.
  5. Le pétrole, nouvelle dimension des relations sino-africaines, C Jiang – Géopolitique africaine, 2004.
  6. François Gaulme, « Le Sud-Soudan est-il bien armé pour sa survie ? Introduction thématique », Afrique contemporaine, vol. 246, no. 2, 2013, pp. 11-19. P. 11.
  7. Marc Lavergne. La division du Soudan, ou l’échec de la paix américaine. Béatrice Giblin.
  8. Lagrange Marc-André, « Soudan du Sud : de l’État en faillite à l’État chaotique », Politique étrangère, 2015/2 (Été), p. 137-145. DOI : 10.3917/pe.152.0137.
  9. Marc Lavergne. La division du Soudan, ou l’échec de la paix américaine. Béatrice Giblin. Les conflits dans le monde.