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Un avant-goût de l’après-vie : les expériences de mort imminente

Myriam Benzarti (rédactrice), Manu Hendrick (artiste)

Mort sur un champ de bataille, Er, fils d’Arménios, du peuple  des Pamphyliens, sur le point d’être brûlé pour ses funérailles douze jours après sa mort, revient finalement à la vie et raconte son voyage parmi les morts. Il relate le cheminement de son âme hors de son corps vers un lieu où les âmes sont jugées. Nommé messager de l’au-delà, il suit les âmes tout le long de leur jugement et de leur réincarnation, et rapporte ce récit aux vivants.

Le mythe d’Er le Pamphylien, que l’on retrouve dans La République de Platon, est considéré comme l’un des premiers récits d’expériences de mort imminente. Il s’agit en effet du témoignage d’Er qui revient parmi les vivants pour raconter ce qu’est la mort et ce qui suit. Moins métaphorique mais pas moins à propos, on retrouve également le témoignage d’un médecin militaire du dix-huitième siècle, Pierre-Jean Dumonchaux, dans son ouvrage Anecdotes de médecine : « Un des plus fameux apothicaires de Paris, eut en Italie, il y a environ vingt-cinq ans, une fièvre maligne, où il fut traité par des médecins et chirurgiens français, et beaucoup saigné. Après la dernière saignée qui fut très copieuse, il tomba en syncope, et y resta si longtemps que les assistants en étaient fort alarmés. Il assure qu’après avoir perdu toute sensation extérieure, il se présenta à ses yeux une lumière si vive et si pure, qu’il se voyait presque au séjour des Bienheureux. Il se rappelle parfaitement cet état, et dit que de sa vie, il n’a éprouvé un si beau moment. » Cette description plus clinique de l’expérience de mort imminente rappelle néanmoins qu’il demeure toujours un aspect mystique de celle-ci : que se passe-t-il réellement pendant ce temps où le malade, entre vie et mort, se dit être « au séjour des Bienheureux » ?

Illustration animée de Manu Hendrick. Sur les expériences de mort imminente, les near-death experience.

Une vie après la vie ?

 

Eben Alexander, auteur du livre La preuve du paradis, est un neurochirurgien américain. Victime d’une forme rare de méningite bactérienne, il passe sept jours dans le coma, sept jours durant lesquels il dit avoir trouvé la preuve qu’il existe une forme de vie après la mort. Alors même qu’il était dans un coma profond, et que les parties de son cerveau connues pour être à l’origine des émotions et des pensées étaient totalement inactives, il se retrouve guidé par un ange qui le mène jusqu’à la source divine de l’Univers. Durant le coma et quelques temps après également, la méningite aurait dû supprimer toute capacité de son cerveau à produire des pensées et sensations. Pourtant, lorsqu’il reprend conscience, la seule chose dont il se souvient, c’est de ce voyage mystique, de cette pérégrination spirituelle. Celle-ci commence par une vision en contre-plongée de vaisseaux sanguins qui circulent dans des veines enracinées tout autour de lui. Selon lui, cette première vision primitive est probablement le mieux que son cerveau ait pu produire étant donné l’état dans lequel il se trouvait. Mais alors qu’il pensait que cela durerait une éternité, ou, qu’en d’autres termes, il aurait dû perdre toute conscience et rencontrer une mort clinique, il est sauvé par une lumière pure et blanche qui tournait doucement en produisant une mélodie parfaite. À ce moment-là, selon lui, la méningite aurait dû avoir détruit son néocortex. Mais pour lui ce n’est que le début d’un voyage bien plus réel que le monde que l’on connaît. Il décrit ce lieu auquel mène la lumière blanche comme un paradis, une vallée verdoyante pleine d’arbres et de fleurs, où volent des millions de papillons vers une rivière au dessus de laquelle des orbes dorés représentant les âmes flottent en laissant des sillons scintillants derrière eux. Aux alentours, des chiens sautent et des enfants dansent. Il n’est pas seul pendant ce voyage : une magnifique femme aux yeux bleus l’accompagne et le guide. Sans prononcer un mot, elle lui communique directement ses pensées : « Tu n’as rien à craindre. Tu es profondément et pour toujours aimé. Il n’y a rien de mal que tu puisses faire. »

Trip sous acide ou lieu éternel où les âmes se retrouvent ? C’est en tout cas une description qui n’est pas sans rappeler les très nombreux témoignages d’expériences de mort imminente : une âme qui quitte son corps, une lumière blanche et pure, un lieu rassurant où les âmes se retrouvent… Tout cela est pour lui la preuve qu’au moment de la mort, notre âme éternelle est libérée des chaînes de notre corps, de notre cerveau et de tout autre attachement mondain. Par son expérience, il se dresse frontalement contre le matérialisme scientifique qui selon lui échoue totalement à expliquer des expériences comme la sienne. Mais qu’en est-il du point de vue de la neuroscience ?

Du côté de la neuroscience : la complexité des expériences menées

 

La plupart des expériences de mort imminente sont des témoignages qui racontent un moment de sérénité et de bonheur qui semble plus réel que la vie elle-même. Ces voyages commencent généralement par une décorporation. Les sujets voient leur corps immobile alors que leur âme s’en détache et flotte au-dessus. Certains vont même traverser les plafonds pour s’envoler vers les cieux. Pour étudier cette décorporation, une grande étude sur les expériences de mort imminente a été menée : l’Aware Study. Dirigée par Sam Parnia de la SUNY (State University of New York), l’Aware Study rassemble des données sur 15 hôpitaux aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Autriche. Ces hôpitaux ont installé au préalable des commodes où étaient disposées diverses images dans les chambres de personnes en arrêt cardiaque qui étaient les plus à-même de nécessiter une réanimation. Les images posées sur les commodes ne sont pas visibles depuis le lit du patient. L’idée est donc de tester la véracité de la décorporation en observant si le patient parvient à décrire cette image ou non une fois ramené à la vie. Le problème de ce type d’étude – et ceci est lié à la nature même de l’objet d’étude – est qu’il est très difficile de rassembler suffisamment de données pour avoir des résultats concluants et fiables. Sur quatre années, 2 060 arrêts cardiaques ont été enregistrés. Mais seuls 330 patients ont survécu, et parmi eux, seulement 140 étaient à même de participer à l’étude. 39 personnes ne répondaient pas aux exigences de sélection ou étaient trop fatiguées pour continuer, ce qui ne laissait finalement que 101 personnes pour conduire l’expérience. Mais ce n’est pas tout puisque seules 9 personnes ont vécu une expérience de mort imminente, dont seulement 2, une décorporation. Finalement, une seule personne sur les deux ayant survécu, l’étude n’aura permis d’analyser qu’un seul cas… Il s’agit d’un patient de 57 ans qui se serait détaché de son corps pour flotter dans un coin de la chambre, observant le personnel médical en train d’essayer de le réanimer. La description de ce qu’il s’est passé pendant les 3 premières minutes qui ont suivi son arrêt cardiaque laisse croire qu’il était conscient pendant tout ce temps alors qu’il aurait dû se trouver en état d’inactivité cérébrale au maximum 20 secondes après l’arrêt cardiaque. Mais ce résultat ne permet pas d’aboutir à une conclusion, et pas seulement à cause du manque de sujets de test. En effet, même si près de 1 000 commodes avaient été installées dans les hôpitaux, seulement 20% des arrêts cardiaques ont eu lieu dans ces chambres-là. Malheureusement, le patient en question ne s’y trouvait pas.

L’étude met l’accent sur un problème général rencontré dans ce domaine qui est que les hypothèses sont extrêmement difficiles à tester puisque l’on parle de se mettre, en pleine conscience, dans une situation au plus proche de la mort, puis d’en revenir. Mais cette expérience met toutefois l’accent sur un paradoxe détonnant : comment expliquer qu’un cerveau en activité minimale après l’arrêt cardiaque parvienne à produire des perceptions aussi détaillées et réelles ?

Illustration animée de Manu Hendrick. Sur les expériences de mort imminente, les near-death experience.

Les expériences de mort imminente : un monomythe ?

 

De Platon à la neuroscience, les débats sur l’âme sont nombreux et nous ramènent aujourd’hui à nouveau à nous interroger sur sa nature. Si l’on parle de l’âme comme de la conscience, et si l’on se laissait croire que le cerveau est le lieu de cette conscience, les expériences de mort imminente semblent nous pousser à penser le contraire. Le fait que des sujets parviennent à décrire de vives expériences juste après un coma alors même que leur cerveau est quasiment inactif pousse à deux hypothèses : l’une, mystique, renvoie à une vie après la mort que ces sujets auraient entrevue, l’autre, sceptique, laisse croire que le cerveau n’est pas le seul berceau de la conscience. La deuxième hypothèse signifierait ainsi que la conscience existerait par d’autres moyens, hors du cerveau. Ceci expliquerait pourquoi, alors même que l’activité cérébrale est à son minimum, les sujets parviennent à reconstituer ce qui les entoure en étant conscients de leur environnement, ou à être transportés dans leur imaginaire dans un rêve apaisant suite à un mécanisme biologique déclenché dans un moment de stress intense.

Si cette hypothèse devait être avérée, il subsisterait toutefois plusieurs interrogations dont la suivante : comment expliquer alors que les témoignages soient aussi similaires ? Ceux-ci suivent en effet les mêmes étapes, de la décorporation à la découverte d’un lieu paisible. Beaucoup de sujets racontent également avoir rencontré des êtres chers qu’ils avaient perdus, et qui leur communiquent des paroles rassurantes depuis l’au-delà. Nombre d’entre eux disent avoir vécu une expérience plus réelle que la vie. Mais avant même de formuler une quelconque hypothèse de réponse, il faut se rappeler qu’il peut subsister un biais dans cette collecte de témoignages. Il est en effet possible que des récits d’une autre nature, à savoir traumatisants, aient été vécus mais non rapportés. Il faut garder à l’esprit que l’on traite d’une expérience pour le moins effrayante et qu’il est possible que seules les personnes qui l’ont bien vécue parviennent à en parler. Mais si l’on se restreignait à ces expériences positives, comment expliquer qu’elles suivent le même schéma ?

Une des réponses « sceptiques » (comprendre : non mystiques) que l’on peut retenir est celle de l’existence d’un monomythe. En effet, les étapes décrites par les sujets ne sont pas sans rappeler celles du monomythe comme structuré par Joseph Campbell. Il y a en effet un cheminement d’épreuves qui mène l’âme décorporée à un lieu plus paisible où ils en apprennent davantage sur eux-mêmes et sur le monde avant de revenir à la réalité. Les expériences de mort imminente ne seraient-elles alors qu’un voyage initiatique créé de toutes pièces par notre conscience, elle-même stimulée par un état de stress intense ? Les incertitudes sont bien trop nombreuses pour conclure et nous rappellent que notre compréhension de la conscience et du cerveau est encore extrêmement limitée.